Saint Clair de Nantes
Voici le récit tel que le RP Albert Le Grand, religieux dominicain de Morlaix, le publia en 1636 dans son ouvrage de référence, La vie des saints de la Bretagne Armorique.
Le glorieux Prince des Apôtres, saint Pierre, ayant été exécuté à Rome sur ordre du cruel Empereur Néron, qui avait déclenché la première persécution contre les Chrétiens, Saint Lin fut élevé au Trône Apostolique en l’an de grâce 68. Suivant les traces de son prédécesseur, il eut à cœur d’envoyer des évêques et des prêtres dans tous les coins du monde pour soutenir ceux que saint Pierre y avait déjà envoyés. Comme les affaires de la Religion progressaient en Gaule, Sa Sainteté y envoya un bon nombre de Saints Personnages, parmi lesquels se trouvait notre saint Clair, qu’il consacra évêque en 69. Il lui donna comme aide le diacre Adeodatus, en guise de riche présent sa Bénédiction Apostolique, et en précieuse relique le clou auquel le bras droit de saint Pierre avait été attaché sur la Croix.
Ces deux Saints Personnages, obéissant aux ordres du Pape, quittèrent Rome et, sans s’arrêter dans aucune ville d’Italie, franchirent les montagnes, traversèrent la Gaule et arrivèrent en Bretagne Armorique. Ils firent halte dans la ville de Nantes, qui, à cette époque-là, était l’une des plus puissantes et florissantes de toutes les cités Armoriques, tant en raison de son emplacement avantageux, lui conférant le trafic de la Loire et de la mer, la rendant fréquentée par les étrangers, que parce qu’elle était la résidence des péagers et receveurs des droits maritimes, qui y tenaient leur cour des finances de la province. De plus, c’était également la résidence des Archiprêtres de leur religion païenne, qui servaient un célèbre temple dédié à un faux dieu, auquel on venait offrir des sacrifices trois fois par an, provenant de toutes les autres villes et communautés Armoriques.
Sur le point d’entrer dans la ville, les saints réalisèrent que c’était l’endroit où ils devaient annoncer l’Évangile. Après avoir visité le temple et constaté l’aveuglement de la superstition qui y régnait, ils commencèrent à prêcher l’Évangile. En peu de jours, ils convertirent et baptisèrent un grand nombre de citoyens qui, rejetant le culte des idoles, se convertirent à la religion chrétienne.
Le diable, craignant les progrès de ces débuts prometteurs, fit tous ses efforts pour les arrêter. Le démon inspira l’Archidruide et les autres prêtres du temple, qui étaient de la secte des Druides, contre le Saint Évêque et son Diacre. Ces derniers furent cités pour rendre compte de leur sainte doctrine.
Saint Clair, redoutant que cette persécution ne ralentisse leur mission spirituelle, réunit les fidèles nouvellement convertis et, avec leur accord, envoya le Diacre Adeodatus prêcher les Vénètes et ceux de Cornouaille. Il se chargea de répondre à sa citation, prédisant que cette persécution ne durerait pas longtemps.
Le jour de son audience devant les druides, le Saint se présenta et prêcha ouvertement les mystères de notre religion. Il leur montra que celui qu’il leur prêchait était le Fils de Dieu, né de la Vierge Marie, que même les Druides, leurs ancêtres, avaient reconnu et glorifié dans leurs écrits. Il déclara que l’idole que toutes les cités armoricaines considéraient comme leur dieu tutélaire et venaient adorer dans leur temple n’était qu’une représentation grossière du Dieu qu’il leur annonçait, un en essence et trois en personne, comme il le démontra avec une explication simple et véridique de leur idole. En bref, il parla si clairement de la majesté de la religion chrétienne et dénonça si vivement leurs superstitions que tout le peuple en fut ému, et un grand nombre reçurent le baptême des mains du Saint Évêque.
Saint Clair, aidé des nouveaux convertis, fit construire une petite chapelle qu’il dédia à Dieu sous l’invocation des bienheureux Apôtres Saint Pierre et Saint Paul. Il y plaça le reliquaire qu’il avait reçu du Pape Saint Lin.
Au même emplacement où saint Clair fit construire “une petite chapelle” dédiée à Saint Pierre et Saint Paul, se trouve deux mille ans après, à proximité du chateau des ducs de Bretagne, la cathédrale de Nantes qui reste dédiée aux mêmes saints.
Malheureusement, le clou, confié à saint Clair par le pape en l’an 69 et conservé dans le reliquaire jusqu’au XVIème siècle, fut jeté dans la Loire par les calvinistes lors des guerres de religion.
Pendant que Saint Clair travaillait à la conversion des âmes dans le Comté Nantais et que le Diacre Adeodatus était actif dans le Pays de Vannes et de Cornouaille, Dieu leur envoya de l’aide. En effet, Drennalus, disciple de Joseph d’Arimathie, après avoir traversé de la Grande à la Petite Bretagne, descendit avec quelques-uns de ses compagnons au port Saliocan (qui est le port de Morlaix). Là, il prêcha l’Évangile et convertit ce peuple. Il érigea une église qu’il dédia à Dieu sous l’invocation de Saint Jacques le Majeur, Apôtre récemment exécuté sur ordre du roi Hérode. De plus, à l’une des avenues de la ville, il érigea un pilier ou une colonne sur laquelle il fit graver une croix, et en dessous, dans une petite niche, il plaça une image de Notre Dame tenant son petit Jésus. Ce pilier a été soigneusement préservé jusqu’à présent.
Après avoir converti les habitants de Morlaix, Drennalus continua jusqu’à la ville de Lexobie ou le Coz-Guérande, sur la rivière de Léguer, où il établit son siège et initia le siège épiscopal de Tréguier. Ayant appris que Saint Clair se trouvait à Nantes et le grand fruit qu’il y produisait, il envoya son Archidiacre Congalus pour le visiter en son nom et discuter avec lui des moyens de fortifier la religion chrétienne dans cette province.
Le saint prélat fut extrêmement joyeux de cette nouvelle et remercia Dieu pour le soin qu’il prenait de cette nouvelle Église naissante. Pour encore plus de consolation, le Diacre Adeodatus arriva à Nantes, rendant compte à Saint Clair des fruits qu’il avait produits dans les Comtés de Vannes et de Cornouaille. Il le supplia de faire un voyage là-bas pour confirmer les nouveaux convertis, consacrer des prêtres et d’autres ministres, et organiser les affaires religieuses nécessaires.
Saint Clair accepta volontiers ce voyage. Laissant Adeodatus à Nantes, il visita tout son diocèse, qui s’étendait de Nantes au Cap de Sizun et à la Grande Mer Occidentale, couvrant les Comtés de Nantes, Vannes et Cornouaille. Il accomplit de grands miracles en confirmation de la vérité qu’il prêchait. Après avoir travaillé 26 années dans la vigne du Seigneur, chargé de mérites et de couronnes, il décéda au Bourg de Réguiny, dans le diocèse de Vannes, le 10 octobre de l’an 96.
Les chrétiens l’enterrèrent là-bas, et l’endroit de sa sépulture est toujours visible, avec son anneau et sa crosse ou bâton pastoral, qui furent apportés à Nantes et placés dans le trésor de l’église cathédrale. Son corps resta à Reguiny jusqu’à l’an 386, lorsque la paix fut restaurée à l’Église. Le roi Conan Meriadec sépara les Comtés de Vannes et de Cornouaille du spirituel de l’évêché de Nantes, et fit consacrer Judicaël évêque de Vannes. À la demande d’Arizius, évêque de Nantes, qui avait consenti à cette séparation, le corps de Saint Clair fut transporté de Reguiny à son église de Nantes, où il fut conservé jusqu’à l’an 878, lorsque les Normands mirent le pied en Bretagne. Il fut alors transporté à Angers et déposé dans le monastère de Saint Aubin, où il est conservé dans une châsse en argent doré, placée sur le grand autel.
Dans la cathédrale de Nantes, on trouve le crâne de Saint Clair, enchâssé dans une tête d’argent. Et dans l’église paroissiale de Reguiny (dédiée à Saint Clair), on trouve également des reliques, dont le toucher et l’eau dans laquelle elles ont été lavées soulagent quotidiennement les infirmes, particulièrement ceux souffrant de maux aux yeux.