Saint Ursin – Nathanaël, premier évêque de Bourges
D’après les anciennes traditions de Bourges, le premier évêque de la ville est saint Ursin, lequel se trouve être Nathanaël, ce disciple du Christ que Jésus admira : « Voici en vérité un Israélite sans détour » (Jn 1,48). Il fut l’un des soixante-douze disciples et choisi pour faire la lecture lors de la dernière Cène. Envoyé par saint Pierre dans le Berry, il fonda la cathédrale Saint-Etienne en y déposant des reliques du sang du premier martyr, qu’il recueillit lui-même à Jérusalem. Il mourut un 29 décembre et ces reliques furent miraculeusement découvertes en 560, par saint Auguste et saint Germain de Paris : la date de la translation qui suivit, 9 novembre 560, devint le jour de sa fête.
Les raisons d’y croire :
Considérant l’importance de la ville d’Avaricum (Bourges) au premier siècle, qui était alors une capitale de l’Aquitaine, sachant la facilité des communications par l’excellent réseau des voies romaines, il est tout à fait impossible que saint Pierre qui est à Rome, ait négligé d’envoyer un apôtre en ce lieu.
Un culte public et immémorial a toujours célébré l’histoire de saint Ursin, depuis son appel par Jésus sous le figuier, jusqu’à son épiscopat à Bourges : les tapisseries du XVe en font foi, ainsi que les anciens bréviaires.
L’histoire de saint Ursin à Bourges est intimement liée à la venue de saint Pierre à Rome, à celle de saint Martial en Aquitaine et à celle de saint Austremoine en Auvergne, lesquelles sont certainement du premier siècle. Par conséquent, l’historicité de saint Austremoine au premier siècle est également très certaine.
Des reliques de saint Ursin sont présentées à la vénération des fidèles dans la cathédrale, ce qui suppose qu’elles sont authentiques, car l’Église a toujours montré un soin jaloux de conserver les vraies reliques de ses saints.
Une seule Église au monde conserve la tradition bien établie d’avoir été évangélisée par Nathanaël : or s’il s’agit d’une fable, pourquoi ne trouve-t-on aucune autre prétention d’autres Églises au fil des siècles ? Il est vrai que certains ont pensé que Nathanaël était le futur apôtre Barthélémy. Mais il s’agit là d’une confusion, au jugement de nombreux auteurs (Par exemple l’abbé Paul Guérin, auteur des Petits Bollandistes).
La toponymie des environs de Bourges ne s’explique que si cette histoire est véridique. Le nom de la cathédrale Saint-Etienne, du village Saint-Just (son disciple mort neuf lieues avant d’arriver), de la Chapelle-Saint-Ursin (le refuge du saint, chassé par la population), etc…
La conversion de Léocade, premier sénateur des Gaules, ainsi que celle de son fils Ludre, est inscrite sur le tympan Saint-Ursin de la cathédrale. Le baptême du père et du fils y est représenté, et ces deux saints ont été honoré jusqu’à la Révolution dans la crypte de Notre-Dame de Déols, près de Châteauroux.
Du temps de saint Grégoire de Tours, au VIème siècle, un saint prêtre du Berri, nommé Auguste, trouva les reliques de saint Ursin et les transféra dans l’abbaye Saint-Symphorien de Bourges. La tradition en a conservé la date : le 9 novembre 558, qui est devenu le jour de sa fête.
Une nouvelle translation des restes du saint eut lieu le 23 octobre 1239. Le vénérable Philippe Berruyer, archevêque de Bourges, fit ouvrir le cercueil sur lequel on lisait textuellement en latin : « Ceci est le corps du bienheureux Ursin, premier évêque de Bourges ». Les reliques furent reconnues authentiques et élevées dans une châsse, au-dessus de l’antique sarcophage. Une troisième ouverture et authentification se fit le 25 février 1475, en présence du roi Louis XI.
On trouve ses reliques à Besançon (mâchoire), Lisieux (une partie du crâne, un bras, une cuisse, une jambe, quelques cotes), à la Chaussée-Saint-Victor près de Blois (os frontal). Ces reliques dispersées au fil des circonstances des siècles contraignent à reconnaître l’existence de saint Ursin, premier évêque de Bourges, dont l’identification avec Nathanaël était commune, et l’apostolat au premier siècle, indubitable.
Synthèse :
En cherchant les plus anciennes Vies de saint Ursin, on trouve des manuscrits du XIIème siècle, à Oxford, Bayeux et Paris, qui attestent qu’ « avant son baptême, Ursin était appelé Nathanaël ». Un nom hébreu pour l’origine et un nom latin pour l’apostolat en Occident. La chose est commune, ainsi que nous le constatons pour saint Amadour – Zachée, sainte Véronique – Bérénice, saint Paul – Saül etc…
On retrouve cette tradition sur les célèbres tapisseries de Bourges, datant de la fin du XVème siècle, qui permettent d’affirmer que durant ces quatre siècles au moins, ce fut la foi commune de l’Église de Bourges. Parmi 57 tapisseries qui ont été confectionnées, la première représente la rencontre du Christ avec saint Ursin-Nathanaël, avec cette inscription : « Ursin étant sous le figuier fut mené à Jésus-Christ du quel il dit : Voici un véritable Israëlite. » Les autres tapisseries représentent saint Ursin lisant pendant la Cène, en compagnie de saint Pierre lors de la pêche miraculeuse, le jour de l’Ascension du Christ, et recueillant le sang du martyr Etienne. Ainsi nous retrouvons toute la vie traditionnelle de cet apôtre dans l’Évangile, et malgré les critiques, aucun élément sérieux ne permet de rejeter ces faits historiques.
A partir de l’arrivée de saint Ursin à Rome, on trouve des documents manuscrits remontant au Xème siècle, qui témoignent que cette histoire ne peut être une pure invention : comment tous les autres diocèses auraient-ils pu accepter une telle prétention de la part de Bourges ? La seule explication rationnelle et cohérente est la véracité de cette tradition, dont voici une courte synthèse :
Saint Pierre étant arrivé à Rome en 42, il envoya de nombreux apôtres pour évangéliser la Gaule, et en particulier saint Ursin pour fonder un siège épiscopal à Bourges. Arrivant à neuf milles de sa destination, près d’un petit bourg nommé Chambon, son compagnon, saint Just, est pris de défaillance et meurt. Saint Ursin l’ensevelit dans le lieu qui porte aujourd’hui encore le nom de Saint-Just. Encouragé par une voix divine, saint Ursin reprend sa route et entre dans la ville où il trouve bon accueil dans une pauvre famille. Peu à peu la maison se remplit de curieux qui vont devenir les premiers néophytes de la ville. Ces succès apostoliques vont susciter la haine des prêtres païens de la ville, qui vont retourner le peuple contre leur bienfaiteur. Saint Ursin sera obligé de prendre la fuite, sous une grêle de pierre et poursuivi par une meute de chiens ! Il se réfugie à quatre milles de la ville, en pleine campagne, où il établit un ermitage. Ce lieu deviendra plus tard une chapelle expiatoire, aujourd’hui la commune « La Chapelle-Saint-Ursin ».
Les Berruyers se rendirent vite compte que le départ du saint était pour eux un grand malheur. Bientôt ils chassèrent ceux qui les avaient trompés, et vinrent, soumis et repentants, supplier Ursin de leur pardonner et de revenir les prêcher dans la ville. Le saint ne se fit pas prier, et fit une entrée triomphale. Beaucoup se firent instruire et demandèrent le baptême.
Or en ce temps-là vivait un très noble sénateur, nomme Léocade, qui était pour la Gaule ce qu’Hérode était pour la Galilée. Il résidait à Lyon mais possédait à Bourges des écuries et un grand palais. Ursin obtint de lui dans un premier temps les écuries, puis le palais même de Léocade, dans lequel il put déposer la relique précieuse du sang de saint Etienne : c’est ainsi que la cathédrale actuelle de Bourges s’origine dans le palais de Léocade, dont le baptême est représenté sur le tympan Saint-Ursin.
Averti par le Seigneur que sa fin était proche, saint Ursin rassembla ses disciples, leur annonça sa fin prochaine, et indiqua pour son successeur Sénicien, le plus fidèle et le plus fervent d’entre eux. Enfin il rendit son dernier soupir, le 29 décembre, la vingt-septième année de son épiscopat. Les persécutions et les malheurs des temps firent que l’on perdit son saint corps.
Cinq siècles plus tard, le saint abbé de l’abbaye Saint-Symphorien de Bourges, nommé Auguste, se lamentait de cette perte… Une nuit, il vit dans un songe saint Ursin qui lui indiquait que son corps reposait sous la terre, dans une vigne non loin de la ville. L’abbé rendit compte à son évêque, qui n’en crut mot. C’est alors que saint Germain de Paris vint à Bourges, et fut reçu dans le palais épiscopal. Après le souper, comme saint Germain se reposait, saint Ursin lui apparut en même temps qu’à l’abbé, et il les conduisit tous deux à son sépulcre, en les priant de l’ôter de cet endroit. S’étant levé pour les Matines, le saint évêque et le saint abbé se racontèrent la vision qu’ils avaient eu tous deux. La nuit suivante, accompagnés d’un seul clerc qui portait un cierge, ils se rendirent au lieu indiqué, fouillèrent profondément le sol et trouvèrent le cercueil. Ayant enlevé le couvercle, ils virent le corps du saint dans l’attitude d’un homme endormi et ne portant aucune trace de corruption. Remplis d’admiration, ils replacèrent le couvercle, et, le jour venu, racontèrent à l’évêque du lieu ce dont ils avaient été témoins. Alors, l’évêque convoqua les abbés et tout son clergé, et ils procédèrent solennellement à la translation du corps, le 9 novembre 560, jour que l’Église garda pour commémorer sa fête.
Conclusion: Il s’agit de savoir par qui, quand et comment l’Évangile est arrivé chez nous, et comment nos aïeux se sont convertis. Les saints de Provence sont bien connus, mais ils sont comme un arbre qui cache la forêt : la plupart de nos plus anciennes cathédrales ont été fondé sous saint Pierre dès le premier siècle, et c’est à cette prédication que nos aïeux sont passés au Christ.
Pour en savoir plus :
Articles parus dans la Semaine religieuse du diocèse de Bourges, 1883, par le Père Chevalier, fondateur des prêtres missionnaires du Sacré-Cœur.
Pieuses légendes du Berri, par M. Veillat
Essai historique sur l’antiquité de la foi dans le diocèse de Bayeux et le culte de quelques saints récemment introduits dans le calendrier liturgique de ce diocèse, par l’abbé Laffetay
Vie de saint Ursin, par l’abbé de Lutho
Notes locales, fournies par l’entremise de M. le secrétaire de l’évêché de Blois, M. le curé de la Chaussée-Saint-Victor
Histoire de saint Léocade et saint Ludre, par le P. Ambroise de Bergerac, 1866
Articles parus dans la Semaine religieuse du diocèse de Bourges, 1883, par le Père Chevalier, fondateur des prêtres missionnaires du Sacré-Cœur.
Histoire de saint Léocade et saint Ludre, par le P. Ambroise de Bergerac, 1866