Saint Restitut, premier évêque de Saint-Paul-Trois-Châteaux

D’après les traditions de l’ancien diocèse de Saint-Paul-Trois-Châteaux, le premier évêque de cette ville de Provence est saint Restitut, qui n’est autre que Bartimée, l’aveugle-né guérit à l’entrée de Jéricho, qui bondit pour s’approcher de Jésus. Il tient son nom du miracle de sa guérison, puisque la vue lui fut restituée, Restitut. De cette heure il devint disciple de Jésus, puis de Pierre, et enfin de Maximin, avec qui il débarqua en Provence.

Comme sainte Marie-Madeleine ou saint Amdour, il se fit ermite dans une grotte, jusqu’à ce que les Tricastins viennent le chercher pour en faire leur évêque. Il fit de nombreux miracles et convertit les plus farouches païens, notamment dans le village qui porte aujourd’hui son nom : Saint-Restitut, où son corps fut découvert trois fois : en 1249, 1465 et en 1853.

Les raisons d’y croire :

  • Il est impossible que la cité des Tricastins, colonie romaine depuis l’empereur Auguste qui l’avait honorée de son nom, Augusta Tricastorum, qui accueillait le préfet du prétoire des Gaules régulièrement, et centre important du paganisme, ait été négligé par les apôtres de la Provence.

  • Un culte public et immémorial a toujours célébré l’histoire et les reliques de saint Restitut, à Saint-Paul-Trois-Châteaux et à Saint-Restitut, sans aucun démenti.

  • Les anciennes litanies du bréviaire du diocèse invoquent saint Restitut aussitôt après les Apôtres et les évangélistes.

  • Cette histoire de saint Restitut en Gaule est intimement liée à celle de saint Maximin, dont il est le disciple, donc à celle de sainte Marie-Madeleine et de saint Lazare, lesquelles sont connues et indubitables. Par conséquent, la tradition de Saint-Paul-Trois-Châteaux devient elle aussi indubitable.

  • Le lieu de son inhumation est bien connu : l’église de Saint-Restitut, que le saint avait lui-même décidé au moment de sa construction. Au mois de juillet 1249, Mgr Laurens déclare que le tombeau demeura intact durant plusieurs siècles, construisit un nouveau sépulcre, et constata la présence du saint corps, « son corps entier » précise-t-il.

  • D’innombrables pèlerins sont venus vénérer ses reliques, dont quelques-uns célèbres comme le roi Louis XI, en 1449, avec une suite nombreuse, y laissant des présents considérables.

  • En 1465, après des prières et des jeûnes, l’évêque Etienne Genevès fit ouvrir le tombeau une seconde fois. La pieuse assemblée de clercs trouva le tombeau fort propre et intact, bien conservé sous la terre. Une odeur miraculeuse se dégagea, peut-on lire dans le rapport officiel, signe traditionnel et surnaturel de l’authenticité des reliques. L’évêque put constater la présence du corps de saint Restitut ainsi que son bâton pastoral. Il en retira le chef, et ordonna de conserver le souvenir de ce jour de grâce par la fête de l’Invention de ses reliques, le 10 avril.

  • Les malades allaient en pèlerinage à l’église de Saint-Restitut durant tout le cours de l’année, mais principalement le jour de sa fête, qui est le 7 novembre, pour obtenir de Dieu, par sa puissante intercession, la guérison des maux d’yeux. Les bréviaires des églises d’Apt, de Viviers et de Valence font mention de nombreux miracles.

  • Par exemple, en 1516, il se fit un célèbre miracle dans l’église de Saint-Restitut, en faveur d’un homme appelé Pierre Gros, natif de Balons. Cet homme était presque aveugle et fut guéri avant d’avoir achevé sa neuvaine.

  • Quand l’évêché de Saint-Paul-Trois-Châteaux fut supprimé en 1801, il fut incorporé au diocèse de Valence et on cessa de célébrer la fête de saint Restitut. Peut-être que ce saint serait resté complètement dans l’oubli, si en 1853, Mgr Chatrousse, évêque de Valence, n’eut rétabli son culte, avec l’approbation du Saint-Siège.

  • Raisonnons par l’absurde : si cette tradition est fausse, comment expliquer qu’elle fut admise durant dix-huit siècles, avec un caractère religieux et solennel, sans aucune contestation ? S’il s’agit d’une fable, pourquoi aucune ville au monde ne revendique d’avoir été fondée par l’aveugle-né de l’évangile ?

Synthèse :

  • Le plus ancien document qui nous renseigner sur les détails de la vie de saint Restitut, est la Vita, manuscrit du XVème siècle conservé à la Bibliothèque nationale de France. Il faisait partie de l’ancienne liturgie du diocèse, dont chaque clerc était tenu de réciter l’office au jour de sa fête, et de manière solennelle à la cathédrale et dans l’église de Saint-Restitut. En voici un petit aperçu:

    Issu d’un noble lignage dans l’oppidum de Tibériade, Bartimée est le fils de Timée, seigneur de Galilée, qui a le grand malheur d’être né aveugle. Apprenant les miracles de Jésus, il demande un jour à son père de lui permettre d’aller le voir, et d’implorer sa miséricorde. Timée douta, mais son fils insista, et il obtint la possibilité d’avoir une grande escorte. Mais Bartimée refusa, sachant déjà que Jésus était plus doux pour les petits que pour les grands de ce monde. C’est pourquoi il décida d’aller le trouver en mendiant. Il se mit ainsi à l’entrée de Jéricho, attendant l’heure du passage de Jésus. Alors que le cortège passa auprès de lui, le jeune aveugle cria d’une voix forte: « Jésus, fils de David, prends pitié de moi ! ». On voulut le faire taire, mais il reprit plus fort encore. Jésus s’arrêta et l’appela. Jetant son manteau, Bartimée bondit vers Jésus, et obtint sa guérison instantanée (Marc 10, 46-52). Il devint alors disciple de Jésus, puis de saint Pierre, et enfin de saint Maximin, auquel il s’attacha particulièrement. Pris dans la même persécution que les saints de Provence, il fit pénitence durant de longues années dans une grotte, comme sainte Marie-Madeleine à la Sainte-Baume. Un jour les habitants de Saint-Paul-Trois-Châteaux eurent une vision leur indiquant que Restitut serait leur pasteur. Ils allèrent trouver saint Maximin qui leur indiqua comment le trouver. Après un premier refus, il se résigna à la volonté de Dieu et fut conduit pour fonder ce siège épiscopal.

    Dans un autre manuscrit de la même époque, on peut lire comment saint Restitut évangélisa un haut lieu du paganisme, sur les hauteurs d’une petite montagne, à Longueville, où il fit de grands miracles en faveur des aveugles et convertit les farouches païens au christianisme. Il y édifia une église en l’honneur de la Vierge Marie. Près de celle-ci coulait une fontaine semblable à celle de Siloé où ses yeux avaient vu. Des foules de malades, qui s’y lavaient les yeux, étaient guéris. Puis, Restitut décida de bâtir une autre église juste à côté de celle-ci, dont il traça lui-même les dimensions, pour être le lieu de sa sépulture.

    Enfin, sentant que ses forces déclinaient, il décida de se rendre à Rome pour vénérer les tombeaux des Apôtres. Chemin faisant, il prêcha dans la ville d’Albe, subit de cruelles persécutions avant de convertir tous les habitants. C’est alors qu’il ne put continuer son pèlerinage et mourut en ce lieu, non sans avoir prescris à ses serviteurs de ramener son corps dans le l’église qu’il avait fait bâtir, au lieu qu’il avait prévu pour sa sépulture. La Tour funéraire de Saint-Restitut en conserve le souvenir.

    Jusqu’en 1249, son tombeau fut conservé intact dans le mur de l’église. Au mois de Juillet 1249, Mgr Laurens découvrit le tombeau et constata le « corps entier du bienheureux Restitut ». Il en sépara l’os du bras droit avec l’inscription qui indiquait les circonstances de la translation.

    En 1449, le roi Louis XI vint en grand apparat vénérer saint Restitut, preuve que telle était la foi générale du royaume à cette époque, et fit de grands dons en l’honneur de ce saint.

    Le 10 avril 1465, le tombeau fut ouvert une seconde fois par Etienne Genevès. Après des jeûnes et des prières, avant le lever du jour, l’évêque organisa une procession d’ecclésiastiques vers Saint-Restitut, ordonna la fouille, et découvrit le tombeau duquel se dégagea une odeur « suavissime ». « Cependant, mentionne le rapport, de peur de prendre le change dans une affaire de cette importance, l’évêque lut exactement la légende de ce saint dans l’ancien bréviaire, Mgr Genevès examina la tradition, la compara avec la Légende du bréviaire, ainsi que le tombeau, les ossements, l’église, le village et les miracles qui s’étaient faits tous les jours par la puissante intercession de ce saint. Alors il reconnut et déclara que c’étaient là véritablement les reliques de saint Restitut, disciple de Jésus-Christ et premier évêque de Saint-Paul. »[1]

    Hélas les calvinistes passeront en 1561 : ils « renversèrent et brisèrent le tombeau de saint Restitut, brûlèrent ses saintes reliques et en jetèrent les cendres au vent. »[2] Ils pillèrent également tous les anciens titres, ce qui permet aux historiens actuels de dire que les sources sont trop récentes pour être crédibles !

    Alors le doute s’immisça dans bien des esprits. Ce fut le cas de Mgr Ducros, évêque de Saint-Paul-Trois-Châteaux. C’était à l’heure des vêpres de saint Restitut, l’année 1603. Quand un chantre lui porta l’antienne liturgique, il se mit en une violente colère contre la crédulité de ses chanoines. Aussitôt il en fut puni par Dieu qui lui envoya une maladie très étonnante, qui manqua de le faire mourir. Il resta dans cet état jusqu’à ce qu’ayant reconnu sa faute, il en demanda pardon à Dieu et à saint Restitut, et promit de faire imprimer son office liturgique. Aussitôt il reprit ses forces et fit continuer les vêpres du saint comme on les avait commencées.

    Il en est aujourd’hui comme hier, car si tout prouve la véracité de cette histoire, donc du miracle opéré par Jésus-Christ dans l’Évangile, à la fin ce n’est plus une question de raison, c’est une question, de foi et d’amour, selon l’exemple même de Bartimée-Restitut : « Rabbouni, fais que je voie ! » Et Jésus lui dit : « Va, ta foi t’a sauvé. » (Marc 10, 52)

    Conclusion :

    L’enjeu de cette histoire est de restituer la véritable histoire de France, devenue chrétienne dès le premier siècle, par des témoins directs de Jésus-Christ, et en l’occurrence, par un miraculé de l’Évangile.

[1] Abbé Nadal, Histoire hagiologique du diocèse de Valence, 1855, p. 50-51

[2] Père Boyer de Sainte-Marthe, Histoire de Saint-Paul-Trois-Châteaux, 1710, p. 226

Pour en savoir plus :

  • Histoire hagiologique du diocèse de Valence, abbé Nadal, 1855

  • Histoire de la cathédrale de Saint-Paul-Trois-Châteaux, P Boyer de Sainte-Marthe, 1710

  • Les Petits Bollandistes, Mgr Guérin, 1871, tome XIII

  • Vita de saint Restitut, traduction fournie par Monique Janoir.